Orage de mai 2022

Les premiers éclairs mitraillent la montagne au loin. Je roule.

Quelques insectes ne résistent pas à la visière de mon casque. Je roule.

Des vaches se sont rassemblées à l’angle d’un champ, le troupeau est imposant, immobile. Couchées dans l’herbe, elles semblent attendre… un déluge imminent. Je roule encore.

Soudain, de larges gouttes de pluie tombent comme de lourdes claques. Sans essuie-glace sur mon casque, je dois m’arrêter, je ne vois presque plus rien ! La pluie qui s’intensifie est tiède puis devient glaciale. L’orage alors a ouvert toutes grandes les vannes de sa folie bruyante.

Je suis arrivée à me garer dans l’entrée d’une cour de ferme ; je cale mon engin et cours me mettre à l’abri sous un hangar où sont entreposés des véhicules et matériels agricoles. L’orage continue à se défouler avec une impudeur grandiose. Les grêlons crépitent sur la toiture en tôles ondulées. Le bruit est assourdissant. Rien à voir avec une pétarade de scooter ! Je vous le garantis.

Il me semble que le ciel se venge de la terre entière. Le Diable doit bien rigoler dans sa grotte. Je prie l’Éternel Créateur pour que l’orage cesse après une quantité de pluie bienfaitrice. Enfin, un rayon de soleil dissipe les nuages. C’est une joie non feinte que de humer les parfums qu’exhale la terre refroidie par la pluie, qui se sont répandus jusqu’à moi.

Je n’ai vu personne. Mais un excès de libertinage aurait-il privé deux grosses limaces à quitter le sein de la terre ? Des limaces orange. Je les regarde ramper doucement sur le sol de l’allée où se mêlent des touffes d’herbe et des graviers. Le sol n’a pas encore eu le temps d’absorber l’eau du ciel tant espérée, après des semaines de forte chaleur d’été. Quel voyage à deux ont-elles entrepris, vers quels horizons ? Maintenant, l’une d’entre elles entreprend de grimper sur la tige principale d’un lupin fleuri.

Une accalmie s’est véritablement installée. C’est le moment de quitter le lieu protecteur. Mon compagnon motorisé est trempé. Visiblement, il ne m’en veut pas de l’avoir laissé sous la pluie. Prudente, je redémarre doucement sur le bitume détrempé d’une petite route de mon village. J’adresse du meilleur de mon cœur de nouveau une prière pour qu’un certain calme dure assez.

Vers ma maison, je roule.